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Shérony Valley
Shérony Valley
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17 septembre 2009

4. Jalousie entre potes

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     Il n’était que sept heures ce soir, et j’étais déjà prête pour la fameuse soirée entre copains de Lévy. Je laissai mes cheveux au naturel et ne pris pas la peine de me maquiller, ça ne servirait à rien. C’était juste une sortie en boîte, et puis je n’avais personne à impressionner. Avant de partir, je me décidai à appeler Eva. Je n’avais pas eu de nouvelles de toute la journée, elle n’était pas venue au lycée et pire, ne m’avais même pas prévenue de son absence.

     — Allez, décroche, décroche…, marmonnai-je dans le combiné en espérant entendre la voix de ma copine.

     Mais nada, juste le silence brisé par la tonalité. Je réessayai une deuxième fois mais finis par raccrocher en désespoir de cause. J’aurais bien fait un crochet par chez elle, mais le Club Carré était à l’autre bout de la ville et j’allais finir par être en retard. Alors, me promettant d’aller tambouriner chez mon amie dès demain matin, je vérifiai ma coiffure et filai.


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     Pile dans les temps ! me dis-je en arrivant devant les portes de la boîte de nuit. C’était bizarre, mais j’appréhendais un peu cette soirée. Ok, c’était censé être une soirée entre copains, mais je n’étais pas sûre de parfaitement m’intégrer à une bande de mecs chahuteurs, surtout si ces derniers avaient un certain Lévy Arker à leur tête.

     Je m’arrêtai soudain devant la porte et glissai un œil prudent à travers la vitre.

     — Oh, flûte ! marmonnai-je. Il est déjà là !

     Lévy et Martin étaient tranquillement installés au comptoir. Je restai figée quelques secondes, respirai profondément puis enfin, me décidai à entrer.


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     Je fus aussitôt assaillie par une musique qui tenait plus du bruit de casseroles qu’autre chose. Une musique de jeunes, soi-disant. Tu parles ! J’avais l’impression que mon crâne allait exploser à la minute où je mis le pied dans cette salle.

     Contre toute attente, Lévy se leva pour m’accueillir.

     — Eh, salut Lana ! dit-il, joyeux. Je suis content que tu sois là, je pensais pas que tu allais venir.

     — Ben, tu m’as invitée, tu te rappelles ?

     — Ouais, mais… dis donc… tu es… wouah ! Cette robe te va super bien !

     — Eh, frangin, fit soudain Martin sans se retourner. Vas-y mollo, je l’entends rougir d’ici.

     Je me raclai la gorge, en proie à une forme étrange de joues rougissantes. Il fallait reconnaître que recevoir un compliment de Lévy tenait du pur miracle… surtout pour moi.


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     Cependant, il me sauva de mon embarras grandissant en enchaînant :

     — Dis, je sais qu’on s’est un peu frittés cet après-midi, mais ça te dirait de faire une partie de billard ?

     — Euh… ben…

     Et voilà que je n’arrivais plus à aligner le moindre mot, comme la gourde que j’étais ! Je vis dans ses yeux qu’il paraissait amusé par ma gêne. Alors je me redressai et balançai direct :

     — Ok, et tu vas voir, je vais te battre !

     — Génial ! Esteban est là aussi, on va bien se marrer, tu vas voir.

     Esteban ? Fronçant les sourcils, je cherchai dans ma mémoire à qui pouvait bien appartenir ce prénom… sans succès.


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     J’eus le déclic lorsque le nouveau du lycée se planta à côté de moi en attendant que Lévy termine son tour. Mais bien sûr ! Esteban Quelquechose, c’était lui. Le mignon blondinet que Cassandra avait tenté de s’accaparer – j’ignorais si elle y était parvenue, d’ailleurs.

     — Salut, euh…, commença-t-il timidement tandis que Martin encourageait son frère.

     — Elana, l’aidai-je. Mais tu peux m’appeler Lana.

     — Ah… ok… Lana. Euh… ça fait longtemps que tu vis à Shérony ?

     Je souris.

     — Ouais, j’y suis née. A vrai dire, je connais que ce coin. J’ai même hâte de pouvoir le quitter pour la grande ville.

     — Ah ? Moi j’aime bien Shérony. C’est calme, ça change du cahut de la ville où j’habitais.

     Un gars de la ville. J’ouvris la bouche pour répliquer lorsque la voix de Lévy m’interpella :

     — Eh, Lana, à toi. Montre-nous ce que tu sais faire.


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     Je quittai Esteban pour faire le tour du billard, devant les beaux yeux gris de Lévy. Cette fois-ci, je ne me laissai pas intimidée par la présence des beaux jumeaux et me concentrai sur ma tâche. Je n’avais jamais été mauvaise au billard, seul mon manque de confiance en moi m’empêchait d’éclater mes adversaires. Trop peur de faire un coup débile, trop peur d’abîmer la table…

     Mais cette fois, je me sentais en confiance. Sans trop savoir pourquoi, je me laissai transportée par la joyeuse ambiance de cette soirée.

     — Allez, Lana, tu vas y arriver ! me lança Lévy.

     — Tu parles, fit son frère, elle va se planter.

     — Arrête Martin, tu vas lui porter la poisse.

     Je reléguai leur dispute fraternelle dans un coin reculé de mon cerveau pour rester concentrée, puis je me penchai et fis un coup d’enfer, qui me valut les félicitations du plus craquant des jumeaux.


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     Mais la soirée ne s’arrêta pas là et continua autour d’une table de poker. Je n’avais jamais eu de porte-monnaie limité, je m’en donnai donc à cœur joie – quand bien même je perdais souvent.

     — Je relance de cinq, fit alors le blondinet, et je demande une carte.

     Il avait le sourire du type qui savait déjà comment allait se terminer la partie – en sa faveur, naturellement. Martin le remarqua et rigola :

     — Tu bluffes, c’est évident. Je suis sûr que t’as un jeu pourri !

     — Continue comme ça et je vous oblige à tout mettre sur le tapis.

     — Ok, concéda Martin, je suis et je demande deux cartes. Lév’ ?

     — Je suis aussi, et je relance de cinq.


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     Martin écarquilla les yeux lorsque son frère annonça sa relance.

     — La vache ! Tu veux nous mettre à terre dès le premier tour ?

     Esteban relança à son tour, et instinctivement, je ne pus m’empêcher de le regarder. Le blondinet était un gars plutôt sympa, toujours le sourire aux lèvres et apte à remettre les jumeaux à leur place sans trop de problème.

     — Oh, Lana, tu fais quoi ? m’interpella Lévy.

     Je sursautai, suivis la mise et demandai deux cartes. Le tour était presque terminé et les jeux allaient bientôt être révélés. Cependant, mon attention se reporta sur Esteban, si sûr de lui, si souriant. Étonnamment, sa compagnie m’était agréable, elle m’aidait à me sentir moins impressionnée face aux jumeaux.


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     Au moment où Martin allait montrer ses cartes, une jeune fille se planta à côté d’Esteban et lui lança sans cérémonie :

     — Eh, Esteban, t’as vu l’heure ?

     Le blondinet se retourna et l’air qu’il afficha m’attrista.

     — Oh, Carmen, attends, on commence à peine, la supplia-t-il.

     — Tu sais très bien ce que pense papa des jeux d’argent, rétorqua la dénommée Carmen – sûrement sa sœur, à en juger par son allusion à leur père. Allez, grouille-toi, j’ai pas envie de t’arracher de ta chaise par la peau des fesses devant tes copains.

     Le garçon soupira profondément mais dû rendre les armes. Il était évident qu’il n’arriverait pas à résister face à la pelote de nerfs qui l’attendait en tapant dans ses mains d’un geste impatient.


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     — Ok, c’est bon, j’arrive, se rendit-il.

     — Ouais, bah tu ferais bien de magner un peu ton cul. J’ai dû écourter ma soirée pour venir te chercher. Maman se faisait un sang d’encre.

     Devant moi, j’aperçus le sourire caustique de Lévy. Je fronçai les sourcils. De quel droit pouvait-il se moquer ainsi des autres ?

     — C’est cool, t’excite pas, reprit Esteban en se levant. Là, j’ai quitté la table, t’es contente ? Bon sang, dire que j’avais un full aux rois !

     Carmen ne répondit pas et tourna les talons. Le blondinet ne la rejoignit pas tout de suite, car il prit le temps de nous dire :

     — C’était super sympa, faudra se refaire ça un jour. On se voit demain, au lycée. Salut Lana.

     Il me dédia un sourire qui me fit rosir puis disparut en marmonnant des paroles peu aimables à l’encontre de sa frangine.


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     A peine fut-il parti que le visage de Lévy se figea sans explication. Il vrilla son regard dans le mien et ce fut d’une voix sèche qu’il lança, sitôt Esteban disparu :

     — Alors, ça t’a plus de reluquer le nouveau toute la soirée ?

     — Quoi ? ! m’ébrouai-je. Mais… de quoi tu parles ? Je ne le reluquai pas !

     D’accord, je l’avais un peu observé, mais de là à penser que je le reluquais, y a de la marge !

     — Il a l’air de te plaire, avec ses cheveux blonds et sa gueule d’ange, continua-t-il, imperturbable.

     — Lévy, arrête, gronda doucement son frère, sentant le malaise s’installer entre nous.


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     Ce fut comme si un poids venait de se coincer dans mon estomac. Je baissai les yeux sous le regard accusateur de Lévy, me demandant ce que j’avais fait de mal. J’étais tellement gênée que je perdis le contrôle de mes cordes vocales qui refusèrent tout net de fonctionner. Et Lévy qui poursuivait, comme s’il m’accusait du pire crime qui soit :

     — On aurait peut-être dû te laisser seule avec lui. En deux temps, trois mouvements, il t’emballait et tu finissais la nuit dans son plumard...

     Il n’eut pas le loisir de finir, son frère haussa la voix. J’étais tellement abasourdie que je le laissai me défendre :

     — Putain, Lèv’, à quoi tu joues, là ? Fiche-lui la paix, bon sang ! On était censés être là pour s’amuser !

     — Ah ouais ? Bah je vais vous laisser vous amuser, alors. Moi, je me tire.


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     — Lèv’, allez déconne pas, tenta Martin. Assieds-toi, on n’a pas fini.

     — Rien à battre, cette soirée ne m’amuse plus, répliqua sèchement son frère.

     Je ne comprenais pas. A vrai dire, j’avais l’impression que la planète s’était arrêtée de tourner aussi sûrement que ma respiration s’était coupée. Mais qu’est-ce qui lui arrivait, à cet imbécile ?  Je pestai mentalement cependant que Martin ajouta :

     — Non mais attends, Lévy, tu vas pas te barrer comme ça ? Lana ne t’a rien fait, que je sache !

     — Fous-moi la paix, toi. Je rentre.

     Lévy avait perdu toute son amabilité, et moi je me retenais d’exploser. Prenant une grande inspiration pour calmer mon énervement grandissant, je murmurai à l’intention de Martin :

     — Laisse tomber, il se fait tard de toute façon.

     Le temps de prononcer cette phrase et Lévy avait déjà traversé la terrasse. Son frère hésita un instant, me lança un regard plein de remords et fila à sa suite comme s’il voulait à tout prix le retenir.


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     — Non mais c’est quoi ce délire ? lança-t-il lorsqu’il l’eut rattrapé. Qu’est-ce qui te prend de l’agresser comme ça ?

     — Je ne l’ai pas agressée. Et lâche-moi un peu, tu veux ?

     — Franchement, je te comprends pas, Lèv’. On se marrait bien pourtant, Lana aussi. T’as pas vu comme elle se sentait à l’aise, pour une fois ? On la reconnaissait pas. Et toi, t’arrives avec tes airs de gros dur et tu fiches tout en l’air !

     — Je t’ai dit de me lâcher, grogna Lévy, impatient de pouvoir quitter le club.

     Étrangement, le ton de Martin monta d’un cran. Lui qui était réputé pour son calme incroyable haussait maintenant la voix contre son jumeau :

     — Bon sang, Lévy, t’es qu’un abruti, tu le sais, ça ? Lana est une fille bien, et elle t’a rien fait ! T’avais pas le droit de la traiter comme ça !


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     Ces mots parurent contrarier Lévy au plus haut point car il s’énerva davantage, criant presque :

     — Fiche-toi de moi ! Tu l’as pas vue mater ce mec toute la soirée ?

     Martin marqua un temps d’arrêt, puis il comprit :

     — Attends… ne me dis pas que… Oh, bon Dieu, Lèv’ ! T’es jaloux, c’est ça ?

     — N’importe quoi ! Moi, jaloux de cette blondasse insipide ? T’as bu ou quoi ?

     — Arrête de faire ton caïd, je te connais, renchérit Martin, les bras croisés. T’es jaloux et tu veux pas l’admettre. C’est dingue, je pensais pas que ça t’arriverait un jour !

     — Tu sais quoi ? s’emporta Lévy. Je vais arrêter d’écouter tes conneries et rentrer à la maison. Pense ce que tu veux, je m’en tape. Ciao !


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     Assise devant la fenêtre, la mine déconfite, je n’arrivais pas à croire ce que j’entendais. Cette soirée avait vraiment tourné au grand n’importe quoi. Me faire engueuler parce que j’ai osé regarder le nouveau ! Je savais que Lévy avait sale caractère, mais à ce point-là ? J’hallucinai… Il ne croyait quand même pas que j’allais rester toute la soirée à le dévorer du regard, histoire d’entretenir sa fichue réputation de tombeur ?

     Je sentis mes poings se serrer cependant que Lévy quittait Martin d’un pas qui m’avait l’air furibond, et moi je restai ici, comme une imbécile, à fulminer silencieusement. Il était temps que je rentre, moi aussi.

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Commentaires
L
Bien fait pour Lévy....
M
ah ah, le grand tombeur a reçu une flèche de cupidon dans son petit coeur !!!
M
La soirée ne s'est pas passée comme prévue, on dirait ! J'ai hâte de voir comment Lévy va rattraper le coup !
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